30 Mars 2021
Il est temps pour la médiathèque de vous préparer à notre prochain évènement qui vous emmènera dans un voyage entre musique et cosmos. Le poète René Char nous y conduit en douceur et nous invite, comme pour sa poésie, à ne pas essayer de tout comprendre, à se laisser porter par la beauté de l'infini....
Le crépuscule est vent du large
Quand nous sommes jeunes, nous possédons l’âme du voyageur. Le soleil de Ptolémée nous fusille lentement. C’est pourquoi deux éclairs au lieu d’un sont nécessaires si la nuit glisse en nous son signet.
Au temps de l’art roman, les écoliers et les oiseaux avaient le même œil rond. Je me posais à côté de l’oiseau.Tous deux nous observions, ressemblants.
La serpe composa, la ronce enveloppa le blâme, le piège s’ouvrit. De nouvelles coutumes éduquèrent la terreur.
Dix heures du soir, le moment d’aller dehors, de lever la tête, de fermer les yeux, d’abattre la sentinelle, de la désigner au nouvel occupant du Trapèze.
— Sur sa déclinaison, qu’as-tu distingué dans l’astre que tu as nommé ?
— Des milliards, ô miroir dénanti, de figures déjà formées projetant de mettre sur le dos cette terre sans rivale.
— Alors pourquoi ta hâte étrange ?
— Il le faut, nous transférons. La mort, l’éventuel, l’amour, l’étamine liés réchauffent la pelle et le sablonnier.
Grâce à la rigueur des calculs, sont honorés à demeure, sur la barre de bois du Trapèze, cerveaux et corps célestes : Copernic, Galilée, Kepler,Newton. D’un coup d’aile corsaire, Leibniz s’est arraché à l’espace établi, après un regard en arrière, et a posé au large, sur la butte d’un îlot coloré, ses pattes désirantes.
René Char Chants de la Balandrane
in Les Poètes et l'univers, anthologie de Jean-Pierre Luminet
(Le Cherche-Midi, 2002)