8 Juin 2021
Les fiancés : histoire milanaise du XVIIème siècle / Alessandro Manzoni
Ce chef-d'œuvre absolu de la littérature romanesque italienne (1825-1842) raconte, sur le fond de l'histoire de la Lombardie au XVIIè siècle, les tribulations des deux fiancés, Renzo et Lucia, qui ne pourront s'unir qu'après bien des malheurs. Le sujet véritable est cependant ailleurs : celui de toute guerre civile, et donc tristement actuel ; oligarchie tyrannique, famines, émeutes, horreurs et ruines dues à la guerre.
D'un côté les pauvres, de l'autre, les oppresseurs : l'intrigue tourne au mythe. [4ème de couverture]
Ce roman classique écrit au 19ème se passe au 17ème siècle. Il faut donc accepter et ne pas se bloquer sur une écriture, même traduite, que personnellement j'apprécie, mais qui peut sembler désuète à des lecteurs ne pratiquant que des écritures contemporaines. Au delà de la gentille histoire d'amour de Renzo et Lucia, on découvre avec stupéfaction combien l'homme apprend peu de son Histoire. L'auteur aborde dans le dernier tiers de son œuvre la grande peste qui frappa Milan et ses réflexions sur la gestion de l'épidémie viennent en écho de ce que nous vivons aujourd'hui avec une brûlante actualité.
Au début donc, pas de peste, absolument pas, à aucun prix : interdit même de prononcer le mot. Puis on dit : fièvres pestilentielles : admettant l'idée par le biais d'un adjectif. Puis : ce n'est pas une vraie peste, c'est-à-dire : la peste, oui, mais dans un certain sens ; pas la peste proprement dite, mais quelque chose à laquelle on ne sait pas trouver un autre nom. Enfin, c'est la peste, sans aucun doute et sans contestation possible : mais déjà on l'a liée à une autre idée, celle de l'empoisonnement et du maléfice, qui altère et dénature l'idée exprimée par le mot que l'on ne peut plus rejeter.
Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'être très versé dans l'histoire des idées et des mots, pour voir que nombre d'entre eux ont suivi un chemin semblable. [...] On pourrait pourtant dans les petites choses aussi bien que dans les grandes, éviter en grande partie un chemin si long et si tortueux, en adoptant la méthode proposée depuis si longtemps, et qui consiste à observer, à écouter, à comparer et à réfléchir, avant de parler.