Comme une envie de... médiathèque
8 Mars 2025
A l’occasion de la journée internationale du droit des femmes, nous vous proposons dans cet article de revenir aux origines du mouvement féministe, du moins de ce que l’on en sait.
Le féminisme est loin d’être un sujet actuel ; la littérature en révèle les traces, remontant jusqu’au Moyen-Âge. En effet, la lettrée franco-italienne Christine de Pizan, née en 1364 à Venise et décédée en 1430 au monastère de Poissy, peut être considérée comme une des premières féministes de France.
Le portrait de Madame de Pizan :
Madame de Pizan reçoit une éducation exceptionnelle, à cette époque, grâce à son père et son mari, tous deux étant proches de la royauté. Cependant, ils décèdent successivement et elle hérite de la fortune de son mari à 25 ans seulement. De ce temps, les jeunes veuves étaient redoutées car complètement indépendantes, notamment financièrement, contrairement à la plupart des femmes. Christine de Pizan est connue pour s’être opposée à la partie ouvertement misogyne du Roman de la Rose, écrite par Jean de Meun (1240 – 1305), ainsi qu’aux clercs défendant la vision de ce dernier.
Le contenu d’un livre controversé :
La première partie de ce livre est écrite par Guillaume de Lorris, un écrivain mu par les conceptions de l’amour courtois du Moyen-Âge ; cette partie fait, au contraire, l’éloge de la femme par le biais d’allégories telles que l’Amour, la Raison, etc, de manière à représenter un idéal romantique, soit « la façon qu’un chevalier a d’aimer une femme de haut rang »[1]. L’intrigue de cette première partie réside dans l’initiation du protagoniste, en plein songe, par ces allégories. Le jeune homme rêve d’un jardin clos qu’il a besoin franchir pour retrouver un bouton de rose, soit la métaphore de son amour.
Cependant, lorsque Jean de Meun reprend la suite de ce récit inachevé, il en profite pour faire l’apologie de sa vision ouvertement misogyne. Ce dernier tient des propos dégradants à l’égard des femmes, mentionnant un manque d’intelligence et de vertus viscéral. Il avance également la nécessité et la légitimité de « corriger » sa femme, dans le cadre conjugal, impliquant une certaine maltraitance.
La Querelle des Femmes :
La Querelle des Femmes fait référence à une polémique récurrente, du XVe siècle jusqu’au XXe siècle, concernant le statut des femmes dans la société et revendiquant une égalité des sexes.[2] Il convient de rappeler qu’initialement, l’Académie Française est uniquement constituée d’hommes. Les femmes n’ont pas droit à l’éducation et sont donc exclues de ce système.
Malgré tout, Christine de Pizan argumente dans des lettres destinées à l’Académie Française les raisons pour lesquelles elle remet en question la publication de ce roman, estimant qu’il est une exhortation à la haine vis-à-vis des femmes : « Au nom de Dieu, qui pourra en retenir rien d’autre que des saletés, de spécieuses incitations et des pensées vicieuses ? Holà ! vous qui avez de belles filles et désirez les instruire en vue d’une vie honnête, donnez-leur, oui donnez-leur, procurez-leur Le Roman de la Rose pour leur apprendre à distinguer le bien du mal – que dis-je ! le mal du bien ! Quelle utilité, quel bénéfice peuvent en tirer ceux qui sont exposés à tant de saletés ? » (p.128 du Débat sur Le Roman de la Rose, voir bibliographie)
Ces lettres sont reçues avec dédain, de la part des fidèles de Jean de Meun, qui vont user de stratagèmes pour décrédibiliser et moquer la jeune écrivaine ; ils rétorquent que sa capacité intellectuelle est moindre car elle est une femme, et prennent pour excuse ses origines italiennes, sous-entendant que son français est mauvais.
S’apercevant de la coalition entre ces académiciens, Christine de Pizan prend la décision de rendre publics les échanges auprès de la reine et du peuple, ce qui entraîne un des premiers mouvements féministes.
Féministe avant l’heure :
Christine de Pizan est une des premières femmes à avoir été écrivaines au Moyen-Âge. Elle défend l’idée selon laquelle « la littérature doit inspirer des valeurs morales et éthiques, et non perpétuer des stéréotypes misogynes nuisibles ». Elle est une des premières à « contester publiquement les idées misogynes de la littérature médiévale, ce qui marque un tournant majeur dans ce débat »[3]. Christine de Pizan est l’auteure de La Cité des Dames, dans laquelle elle propose une vision du monde utopique où les femmes seraient respectées.
Christine de Pizan, Cent balades d'amant et de dame - 1400-1410 - BnF, Département des Manuscrits
[3] Article GEO, voir bibliographie
[2] Article Wikipédia sur la Querelle des Femmes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Querelle_des_femmes
[1] Article Wikipédia sur l’amour courtois au Moyen-Âge : https://fr.wikipedia.org/wiki/Amour_courtois
Bibliographie
Articles :
Œuvres littéraires :